1423 - Marseille - Le sac des Aragonais

La ville et le port de Marseille en 1423, in E. Baratier (dir). Atlas historique: Provence, comté de Nice, Comtat Venaissin, principauté d'Orange, principauté de Monaco, Paris, Colin, 1969.

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Il y a 600 ans, du 20 au 23 novembre 1423, Marseille a connu l’une des pires catastrophes de son histoire, le « sac des Aragonais ». Pendant quatre jours, les troupes d’Alphonse V, roi d‘Aragon et comte de Barcelone, incendient et pillent le port provençal. Cet épisode tragique a laissé des traces jusqu’à nos jours puisque les Marseillais réclament toujours la restitution de la chaîne qui fermait leur port, encore exposée aujourd’hui dans la salle capitulaire de la cathédrale de Valence en Espagne.

Le contexte

Le riche royaume de Naples dirigé par la reine Jeanne II est convoité par Alphonse V roi d’Aragon, aussi roi de Sicile et par Louis III d’Anjou comte de Provence. Après s’être alliée à Alphonse V, Jeanne II se rapproche de Louis III : les Aragonais s’emparent de Naples en juin 1423 et en sont chassés par Louis III en octobre.

C’est au retour de cette expédition que la flotte aragonaise, forte de 18 galères et 12 vaisseaux, regagne l’Espagne en longeant les côtes provençales. À l’ancienne rivalité commerciale des Marseillais et des Catalans, qui sont sujets du roi d’Aragon, s’ajoute désormais un conflit politique. La flotte du roi d’Aragon, que les Marseillais désigneront ensuite par le terme de « Catalans », voire de « chiens de Catalans », profite que le grand port du comté de Provence soit peu protégé en raison des campagnes militaires italiennes pour l’attaquer et s’assurer de rentrer au pays avec un butin prestigieux. 

Le sac

Le jeudi 18 novembre, la flotte des Catalans est au Frioul. L’attaque de la ville débute le samedi 20 novembre et après la nuit tombée, les assaillants se rendent maîtres de la chaîne qui ferme le port.  Il s’agit de la fameuse chaîne que le roi d’Aragon déposera avec les reliques de saint Louis d’Anjou dans la cathédrale de Valence. Une fois le port ouvert, les Catalans pillent et incendient des quartiers entiers pendant quatre jours. Dans une bulle du 8 novembre 1427 (6 G 293 n° 1995), le pape Martin V parlera de 4 000 maisons détruites, un chiffre manifestement exagéré, mais les destructions furent très importantes.

La population s’enfuit hors de la ville dès le 20 novembre, principalement vers la vallée de l’Huveaune. Le 24 novembre 1423, la flotte aragonaise se retire à l’île de Pomègues. Elle ne repart qu’au début du mois de décembre. On pense que des populations locales achevèrent le pillage. L’ordre fut formellement rétabli en ville le 12 décembre 1423.

Des suites difficiles

Après un tel désastre, la ville se redresse difficilement et ses habitants hésitent à revenir : en janvier 1424, la reine régente Yolande, au nom de son fils Louis III, décrète une réduction des cens immobiliers. La mesure n’étant pas suffisante, une ordonnance qui contraint les habitants à revenir dans la ville sous peine de confiscation de leurs biens est promulguée le 16 mai 1424.

Dès janvier 1424 également, la ville avait contracté un important emprunt auprès des banquiers pontificaux d’Avignon en mettant en gage la riche châsse du saint patron de la ville, saint Lazare, qui a échappé au pillage (document conservé aux Archives municipales, sous la cote CC 1687 bis 1er cahier folio 43 v°).

Le sac de Marseille conduit à renforcer la défense de la ville. En 1431, un nouveau siège de la ville se conclut cette fois avec la signature d’une trêve par les représentants du roi d’Aragon et du comte de Provence à Saint-Victor. De 1447 à 1452, une nouvelle tour de défense de l’entrée du port est construite par l’ingénieur génois Giovanni Pardo : c’est l’actuelle Tour du roi René, du nom du souverain qui l’a fait bâtir après avoir succédé à son frère Louis III en 1434.

 

Jusqu’à aujourd’hui…

Le roi Alphonse V d’Aragon tenait particulièrement à ramener à Valence les reliques de Saint-Louis d’Anjou (1274-1297), petit-fils de Charles d’Anjou, le frère de saint Louis. Elles y restèrent malgré les instances des rois de France. Toutefois, le 24 juin 1956, le diocèse de Valence restitua deux vertèbres du saint qui furent installées dans un reliquaire dans l’église Saint-Ferréol. L’histoire de la chaîne du port n’est peut-être pas achevée, quant à elle.

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