Aux parfums du Bosphore – À la recherche de la parfumerie Lorenzy-Palanca

Parfumerie Aux Fleurs du Bosphore. Lorenzy-Palanca, Marseille. Succursales à Alger et Oran. – [Marseille], [années 1900-1910]. -  Maquette pour une affiche : gouache, couleur ; 58 x 45 cm. Arch. dép. Bouches-du-Rhône, 8 Fi 1859.

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En juin 2019, lors d’une vente aux enchères, les Archives départementales ont acquis un magnifique dessin-maquette d’affiche publicitaire destiné à la maison de parfumerie Lorenzy-Palanca. Pour documenter ce dessin, nous avons reconstitué quelques pans de l’histoire de cette institution marseillaise que nous vous proposons de découvrir à travers une sélection de documents des Archives départementales.

Il y a cent cinquante ans sur La Canebière… une affaire de femmes

En 1873, deux employées en parfumerie, Thérèse Palanca, née vers 1817 en Italie, et Joséphine Angelier née à Tournon en 1834, fondent la société « Thérèse Palanca et Cie» dont l’objet est le commerce de parfumerie et de « tous articles relatifs ». Rachetant un fonds de commerce situé au n° 8 de la rue Cannebière, elles font ainsi directement concurrence à leur ancien employeur, le parfumeur Pierre Roque, propriétaire, au n° 12, de la fameuse parfumerie Mottet fondée au XVIIIe siècle par une famille de Grasse.  On n’en connaît guère plus sur ces deux femmes célibataires âgées de cinquante-six et trente-neuf ans, mais il leur fallut certainement du courage et de l’audace, au mitan des années 1870, pour fonder un commerce au cœur de Marseille.   

Dès le recensement de population de 1876, on note qu’un employé, François Lorenzi âgé de 21 ans, réside avec elles.  Deux ans plus tard, en juillet 1878, ce fils d’un couple de tailleurs né à Marseille devient le troisième associé de la société. Il y a quelque chose de familial dans cette association : Lorenzi, qui orthographie son nom Lorenzy, y accolera rapidement de façon usuelle le nom de Palanca. Une modification ultérieure des statuts de la société fait de lui l’héritier des parts de ses deux associées.  

Des magasins et une fabrique

Dès les années 1880, la renommée de la maison est faite. Avant leurs décès respectifs en 1892 et en 1900, Thérèse Palanca et Joséphine Angelier auront connu les premières belles années de la maison. En 1883, la parfumerie investit un local plus grand au n° 4 rue Cannebière (aujourd’hui n° 41). Surtout, en 1891, François Lorenzi achète à titre personnel une maison au n° 62 du boulevard des Dames pour y installer sa famille. Au cours du temps, il fera de l’îlot contigu ce qu’à Marseille on appelle un « domaine », c’est-à-dire un ensemble d’entrepôts avec parfois une usine autour d’une cour fermée précédée d’un portail gigantesque en façade sur rue. Ce faisant, Lorenzi s’installe dans le quartier des ports de La Joliette, nouveau nœud portuaire, ferroviaire, industriel et commercial. Parmi d’autres marques, Aux fleurs du Bosphore est déposée en 1899.   

La réputation de la maison se partage désormais entre le siège social du boulevard des Dames et les trois points de vente marseillais, rue Saint-Ferréol, rue de La République et Canebière. S’y sont ajoutés des magasins à Alger et Oran, ainsi que des points de vente en gérance à Nice, Toulon, Béziers et Toulouse.

François « Lorenzy-Palanca » est devenu un industriel et commerçant marseillais reconnu et influent, soucieux d’œuvres sociales. Il est décoré de la Légion d’honneur en janvier 1922. En juin 1922, l’ancien « Établissement Lorenzy-Palanca » est transformé en société en commandite. Le fondateur décède peu après et ses deux fils lui succèdent.  En 1934, la société fait l’objet d’une procédure de mise en liquidation judiciaire, ce qui nous permet de disposer de l’inventaire des biens de la maison et d’un résumé historique. L’entreprise sera toutefois sauvée par un accord avec ses créanciers.

Le patrimoine foncier industriel et commercial est maintenu tel quel jusque dans les années 1950. Il est cependant revendu petit à petit entre 1946 et 1955. Reste du domaine de la Joliette, un monogramme gravé demeure visible à l’angle des rues Malaval et Joliette ainsi que l’enseigne sur le fronton du même angle.

Le vaisseau amiral de la marque sur la Canebière fait l’objet d’un projet de rénovation par les architectes Castel probablement au début des années 1950 avant de fermer en 1954. La famille ne conserve plus que l’immeuble du boulevard des Dames, transformé en immeuble d’habitation en copropriété et le magasin de la rue Saint-Ferréol qui garde son enseigne jusqu’au début des années 2000. La société elle-même a été radiée en 1992.

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