La seconde exposition coloniale de Marseille a été inaugurée il y a 100 ans, le 16 avril 1922. À travers une sélection de documents conservés aux Archives départementales, nous vous proposons de visiter cette manifestation qui accueillit dans l’actuel parc Chanot près de trois millions de visiteurs entre avril et novembre 1922.
Commerce, exotisme, colonialisme
La seconde exposition coloniale de Marseille se déroule d’avril à novembre 1922. Il s’agit d’un événement majeur voulu par les milieux économiques marseillais dans le sillage de la première exposition coloniale de 1906, qui avait été un succès. Financée par la Ville de Marseille, la Chambre de commerce et le Département des Bouches-du-Rhône, cette manifestation est destinée à promouvoir les échanges commerciaux de la métropole avec les colonies et les territoires dépendant de la France, mais aussi de mieux les faire connaître du grand public. Cette opération commerciale à laquelle se mêlent de nombreuses animations de toutes natures, est ainsi vécue par le grand public comme une invitation au voyage, à l’exotisme, même si elle fixe aussi dans la population des clichés sur les peuples colonisés et sur la grandeur impériale française.
Le site de l’exposition
L’exposition est installée sur le même site que celle de 1906, à l’est de la ville dans un grand parc de trente-six hectares à l’angle des boulevard Rabatau et Michelet, au bout de l’avenue du Prado et à l’angle de deux quartiers industriels. Sur un plan classique, une grande allée centrale mène à une esplanade devant le Grand Palais. Si la configuration de 1906 a pu paraître un peu disséminée - le terrain étant un ancien champ de manœuvre, c’est dans un véritable parc végétalisé et arboré que sont accueillis en 1922 près de trois millions de visiteurs, à qui l’on propose une promenade dans un village laotien, une rue annamite, une ferme soudanaise, un palais algérien, des souks marocains, le tout étant prétexte à présenter les ressources de chaque territoire. Ce parc d’exposition existe encore : c’est le parc Chanot, dont les dimensions n’ont pas beaucoup évolué ; le stade vélodrome y a été intégré dans les années 1930.
La visite de l’exposition coloniale est un parcours de "palais" en "palais",à l’architecture et à la décoration soignée. À côté des pavillons consacrés aux différents territoires, une section métropolitaine présente les fleurons de l’économie française (production industrielle, aviation, automobile, navigation, etc.). L’art provençal n’est pas oublié.
Chaque « palais » est régi par un commissaire. Celui-ci doit présenter les activités administratives, artistiques et scientifiques, à grand renfort de cartes, d’échantillons, de vitrines (pour les objets d’art ou du quotidien), de dioramas (grandes scènes reconstituées), de projections cinématographiques et de panoramiques peints pour immerger le visiteur dans un environnement grandiose. Pour chaque bâtiment, les architectes sont métropolitains mais les matériaux viennent du territoire concerné. La maison commune de Cochinchine a ainsi été apportée « pièce à pièce » ; les pavillons ont une structure en fer ou en bois habillée par des éléments qui doivent donner une idée exacte des arts décoratifs et de l’architecture locale (staff ou matériaux originaux).
Toutes ces thématiques se retrouvent dans des échanges. Pas moins de soixante-treize « congrès scientifiques » sont organisés, regroupés en quatre thématiques : congrès de la production coloniale, congrès de l’outillage, des travaux publics et des transports, congrès de la santé et enfin, dans cette chronologie, les congrès de l’organisation coloniale.
Une visite à travers cartes postales, plaques de verre, affiches
À partir des collections iconographiques des Archives départementales, et en particulier celle de cartes postales (cotée en 6 Fi), et d’un ensemble de plaques de verre (conservé sous la cote 82 Fi) dont la provenance n’est malheureusement pas documentée, nous vous proposons de découvrir successivement : le palais du ministère des Colonies, la section de l’Indochine, de l’Afrique Occidentale Française, de l’Afrique Équatoriale, de Madagascar, des colonies autonomes, de l’Algérie, de la Tunisie et du Maroc, le grand palais, le palais de Marseille et de la Provence et les pavillons des arts et techniques de la métropole.
La carte postale qui avait pris son essor durant le conflit mondial de 1914-1918 retrouve un second souffle à la faveur de l’organisation de ce type de grand événement international. Ainsi, les éditeurs marseillais - Fernand Detaille, Émile Lacour, Rose Roure - et nationaux - Louis Lévy et fils (L.L.) à Paris et avec succès jusqu’en Afrique du Nord - proposent un vaste choix. Fernand Detaille dispose même d‘un pavillon à l’exposition coloniale, sous l’enseigne « Images de Provence ». Il signe aussi la plupart des reportages de la presse illustrée.
Même si le hasard a une grande part dans la constitution de nos collections photographiques, certains palais semblent avoir plus de succès que d’autres : l’Indochine et le Maghreb sont bien représentés ; les vues des pavillons du Cameroun ou des « anciennes colonies » sont rares ou inexistantes. Les photographes-éditeurs se sont mis, à n’en pas douter, au diapason de près de trois millions de visiteurs, leur offrant plus facilement ce dont ils voulaient garder ou partager le souvenir par le biais de la carte postale, individuelle ou en carnet.
Sources
Archives privées. - Documents iconographiques.
6 Fi - Collection de cartes postales. Consulter les vues numérisées
82 Fi - Les expositions coloniales de 1906 et 1922 à Marseille : plaques de verre.
Bibliothèque.
PHI 428. L’exposition coloniale à Marseille, 1922. PHI 428 1 (livre d’or, livre descriptif), PHI 428 2-3 (rapport et congrès), PHI 428 4 (la production coloniale), PHI 428 5 (la production coloniale), PHI 428 6 (plan, timbre, guide, lettre, catalogues, La Martinique, géographique, journal officiel).
Annuaire illustré du midi colonial et maritime pour 1922 et un guide de l'exposition coloniale de Marseille 1922. [Gamma 2406]
L'exposition nationale coloniale de Marseille. 1922. décrite par ses auteurs. [Beta 2529].
MORANDO, Laurent. « Les expositions coloniales de Marseille de 1906 et 1922. Manifestations locales ou nationales ». Provence Historique, juin 2004, fascicule 54, numéro 216, page 229. [PHI 483 54].