Un divorce sous le Directoire à Saint-Paul-lès-Durance

1.	Joseph-Martin Marchand, portefeuilles de dessins et textes réalisés durant la période révolutionnaire. Personnage en buste, dessin à l'encre. Arch. dép. Bouches-du-Rhône, 50 Fi 212.

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Le 7 fructidor an VII (24 août 1799), la jeune Marie Madeleine Félician, âgée de seulement 19 ans, se présente devant l’officier public de la commune de Saint-Paul-lès-Durance pour faire prononcer son divorce d’avec son mari Colomban Maurel, à la suite d’une procédure entamée onze mois plus tôt. On sait que le divorce fut instauré pour la première fois sous la Révolution française, mais on connaît peu la façon dont on divorçait alors. L'exemple du divorce de Marie Madeleine Félician permet de découvrir les phases de cette procédure et de constater que le divorce instauré par la Révolution, loin d’être une simple formalité, n’était pas non plus réservé à une population urbaine et aisée.

La laïcisation du mariage et le divorce

La loi du 20 septembre 1792 sur l’état civil, votée par l’Assemblée législative, a fait du mariage un acte civil, qui contrairement au mariage religieux, peut être rompu par le divorce. Il s’agissait pour le législateur de proclamer que « la liberté individuelle ne peut jamais être aliénée d’une manière indissoluble par aucune convention ».

Le divorce relève de l’officier d’état civil de la commune et non de la justice. À peu de frais et sans complexité, il n’est cependant pas sans formalités. Trois cas de divorce sont prévus : le consentement mutuel (qui ne fera son retour dans la loi française qu’en 1975), le divorce à la demande d’un des époux pour incompatibilité d’humeur ou de caractère et, enfin, le divorce pour motif déterminé, comme une longue absence ou une condamnation. Dans les deux premiers cas, une phase de conciliation préalable est prévue, qui dans le cas de la demande d’un seul époux s’étale sur plusieurs mois.  

Le divorce de Marie Madeleine Félician

Marie Madeleine Félician, âgée de 17 ans, a épousé Colomban Maurel âgé de 20 ans le  4  ventôse an VI (22 février 1798) à Saint-Paul-lès-Durance, petit bourg rural situé en bordure de rivière. Respectivement enfants encore mineurs d’un jardinier et d’un travailleur (agricole), ils sont de milieu modeste. Un peu plus de six mois plus tard, Marie Madeleine sollicite une première fois en personne l’officier public de la commune pour obtenir le divorce pour incompatibilité de caractère. Ce type de divorce nécessite préalablement trois assemblées de parents et amis désignés par les époux et qui doivent tenter de les réconcilier, avec des intervalles de plusieurs mois entre chaque réunion. L’officier public de Saint-Paul-lès-Durance respecte scrupuleusement les procédures fixées par la loi et acte à chaque assemblée l’échec de la conciliation. À l’issue de ces trois réunions, les époux disposent de six mois pour faire prononcer la dissolution de leur mariage par l’officier d’état civil. Marie-Madeleine Félician se présente seule au terme de ce délai de six mois pour faire prononcer son divorce, son mari ayant refusé de comparaître.

Le divorce révolutionnaire apparaît ainsi comme une affaire de liberté individuelle, mais aussi comme une affaire de famille, voire de communauté. Une femme encore mineure, comme Marie Félician, qui a besoin de l’autorisation de ses parents pour se marier, peut demander le divorce sans autorisation d’un tiers et sans préciser les motifs de sa demande. Mais la loi confère à la famille le rôle de tenter de réconcilier les époux, disposant d’environ six mois pour faire pression sur eux. Ce recours à la famille est par ailleurs typique de la législation révolutionnaire, qui privilégie la résolution des conflits par voie de conciliation ou d‘arbitrage et ne considère les tribunaux que comme un recours ultime dans certains cas.

Sans connaître la teneur de l’incompatibilité entre les époux, on ne peut que remarquer la détermination et le courage de Marie Madeleine Félician pour être allée au bout de la procédure et avoir fait respecter son droit.

Les conditions du divorce, majoritairement demandé par les femmes, se sont durcies à plusieurs reprises sous la Révolution. Le divorce est supprimé après la restauration de la monarchie, en 1816 : le mariage civil, pourtant distinct, respecte l’indissolubilité du mariage catholique jusqu’en 1884. À cette date, la loi Naquet réintroduit le divorce, prononcé par la justice, uniquement pour faute.  Ce n’est qu’en 1975 que la législation sur le divorce est refondue et que la notion de divorce par consentement mutuel fait son retour.

 

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