Sur la piste de l’animal
Deux ans de recherches et de rencontres avec la création contemporaine.
À l’automne 2019, les Archives départementales ont décidé de travailler sur la thématique des relations entre l’homme et l’animal afin de s’inscrire dans l’actualité du congrès mondial de la nature prévu à Marseille en 2020. Trois artistes, Hélène David, photographe, Aurélie Darbouret, autrice, et Philippe Somnolet, ethnographe sont alors venus s’intégrer à ce projet qui a abouti à l’idée de conduire une double enquête : d'une part, sur le territoire du département des Bouches-du-Rhône auprès de personnes vivant ou travaillant avec des animaux et parallèlement, dans les quelque 70 kilomètres linéaires d’archives conservés aux Archives départementales des Bouches-du-Rhône.
Partir à la recherche de textes et représentations attestant de la porosité, de l’ancienneté des relations entre les hommes et les animaux et de leur richesse a représenté plusieurs mois d’exploration sur le terrain et dans les archives.
Menée de concert par les trois spécialistes et par l’équipe de la valorisation culturelle des Archives départementales, cette exploration a également été conduite avec différents groupes de publics volontaires à partir d'images et de textes, au travers d'ateliers d’écriture, de pratique photographique ou d’expression corporelle. Une classe de CE de l’école de la Rose Sauvagine, une classe de première du lycée des Calanques, un groupe de séniors de la maison du Bel Age Longchamp et enfin l’Amicale des Déficients visuels de Provence ont participé à cette découverte de l’intime. Écrits, dessins, photographies, qui attestent combien l’animal est présent au cœur des hommes, ont fait l’objet de remarquables productions lors des ateliers. Elles ont trouvé leur place dans une immense frise de soixante mètres de long affichée sur le mur du Jardin de la lecture en face du bâtiment des Archives et de la Bibliothèque départementales.
Comme des diptyques ou triptyques de la Renaissance, les photographies contemporaines d’Hélène David sont associées aux reproductions de documents d’archives ou à des extraits d’entretiens conduits sur le terrain par Aurélie Darbouret ou encore des retranscriptions des textes anciens. Un abécédaire rédigé par Philippe Somnolet vient compléter Le Cantique des moineaux, titre donné à cette exposition urbaine qui surgit comme un poème dans le quartier Euroméditerrannée composé de tours de bureaux et d’appartements.
De mars à décembre 2021, les jeunes enfants du quartier tout étonnés de cette présence soudaine essaient de saisir les animaux et de dialoguer avec eux. Le public s’étonne, admire, découvre le récit et les questions qu’il soulève, au cœur des problématiques actuelles : est-ce que la fin de l’anthropocène a sonné ? La disparition des espèces est-elle irréversible ? Quel est le projet de notre rapport au Vivant et aux animaux pour les années futures ?
La programmation liée permet d’approfondir ces questions essentielles ; tous les derniers mardis du mois, historiens, anthropologues, philosophes, artistes se succèdent et tentent de percer l’énigme de notre relation à l’animal. Danse, théâtre, musique, cinéma, littérature, tous les arts nous ramènent aux questions fondamentales : Où l’origine ? Qui le sauvage ? Où la nature ? qui scandent les trois parties de la frise.
Quelques mois après le congrès de la nature et de nombreuses publications scientifiques, littéraires et cinématographiques, la question de la relation à l’animal est omniprésente dans l’actualité. Il est temps pour nous, même si l’on aurait bien voulu s’y attarder encore, de tourner la page. Il restera comme traces de ces recherches et de ces rencontres entre archives et création contemporaine, une autre manière de regarder et lire les documents, deux publications : Les Sauvages et le Carnet du Cantique, un état des sources, et enfin un nouveau fonds d’archives entré sous la cote 334 J. Il s’agit d’un ensemble sonore, photographique et textuel : 120 heures d’interview, enregistrées par Aurélie Darbouret, cinquante-six photographies d’Hélène David inspirées par une sélection de documents d’archives et un abécédaire composé par Philippe Somnolet, conservés à jamais dans les Archives et bientôt consultables en salle de lecture.
