Siège de Marseille de 1524 : honneur aux Dames ?

 Portrait du Connétable de Bourbon, estampe par Arnold Loemans, graveur, ed. Peter de Jode, XVIe siècle. Bibliothèque nationale de France : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb414994620 .

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L’invasion de la Provence par Charles de Bourbon

Depuis 1521, François 1er s’est lancé dans la VIe guerre d’Italie, ces guerres menées sous prétexte de droits de succession détenus sur certains territoires de la riche Italie. Il a un adversaire de taille, Charles Quint, dont les possessions encerclent le royaume de France et qui est devenu le souverain du Saint-Empire romain germanique en 1520. En 1523, Charles de Bourbon, ancien chef des armées du roi de France, a fait défection pour rallier Charles Quint. 

Profitant de la présence de l’armée de François 1er en Piémont, Charles de Bourbon se lance avec les troupes impériales sur la Provence. Parties de Gênes le 1er juillet, les troupes traversent le comté de Nice, alors possession du duc de Savoie, et ayant franchi la frontière du fleuve Var, poursuivent leur marche vers l’ouest, s’emparant successivement de Fréjus, Brignoles, Saint-Maximin.

Quand les armées arrivent devant Aix-en-Provence, le prévôt de la maréchaussée de Provence, Honoré de Puget, seigneur de Prats, considérant que la ville n’est pas en état de soutenir un siège, ce que reconnaissent les historiens, en remet les clefs au connétable de Bourbon le 7 août 1524. La capitale de la province s’étant livrée sans combattre, le connétable prend le titre de comte de Provence.

Le siège de Marseille (19 août-29 septembre 1524)

Reste à prendre Marseille. Les premières troupes impériales arrivent à La Viste le 15 août, le siège commence le 19 août et le premier assaut a lieu le 23 août. Les troupes directes du connétable sont à La Blancarde, d’autres au Lazaret, à La Joliette, Saint-Lazare, La Belle de Mai, Saint-Victor.

Depuis le siège désastreux de 1423, les fortifications de Marseille du côté de la mer se sont renforcées : la tour du roi René sur le port, la construction du château d’If et du fort de Notre-Dame de la Garde lancée par François 1er. Avant le siège, une flotte française a été envoyée à Marseille pour la protéger du côté de la mer. Le siège se joue donc autour des remparts, du côté du terroir. L’art de la guerre a aussi changé : le temps de l’artillerie est venu. Assiégeants et assiégés tirent au canon, tandis qu’on recourt aussi à la vieille méthode du creusement de galeries pour saper les murailles. Pendant un mois (23 août-24 septembre), la ville résiste, en colmatant les brèches dans les remparts, en coupant par des tranchées les galeries creusées par les impériaux, en repoussant les offensives.

La dernière tentative d’assaut a lieu le 24 septembre et après son échec, les troupes se retirent le 29 septembre vers l’Italie alors que des troupes royales arrivaient depuis Avignon pour secourir Marseille.

La Provence est sauvée, mais le roi règle ses comptes : si les habitants des villes de Brignoles et Saint-Maximin, coupables du crime de lèse-majesté pour avoir adhéré à la cause espagnole, obtiennent des lettres de grâce royales, Honoré de Puget sera condamné à mort et décapité pour avoir livré Aix et fait pendre un paysan qui refusait d’acclamer le connétable.

Honneur aux Dames ?

À Marseille, le souvenir du siège de 1524 réside surtout dans celui des Dames qui ont donné leur nom, par décision de la municipalité le 19 thermidor an XIII (7 août 1805), aux Lices de la Joliette qui occupaient l’emplacement du rempart. Le Boulevard des Dames honore ainsi le souvenir de Marseillaises qui participèrent aux travaux de renforcement des fortifications et, selon certains, aux combats. Ces récits furent en vogue bien après les faits, d’abord entre les années 1770 et 1800, en trouvant une expression artistique dans des dessins, poésies et pièces théâtrales. Au début du XXe siècle, après l’apposition d’une plaque commémorative en langue provençale en 1909, un débat d’érudition se déroule entre l’historien Victor-Louis Bourrilly et l’homme de lettres Pierre Bertas sur la nature du rôle des Marseillaises, jusqu’à la commémoration du 400e anniversaire du siège en 1924.

Sources :

  • Histoire journalière d'Honnorat de Valbelle (1498-1539) :Journal d'un bourgeois de Marseille au temps de Louis XII et de François Ier, Université de Provence, 1985. Tome 1, p. 121-144 (traduction française). (Gamma 3226).
  • Ruffi, Louis Antoine. Histoire de la ville de Marseille contenant tout ce qui s'est passé de plus mémorable depuis sa fondation, durant le tems qu'elle a été république et sous la domination des romains, bourguignons, visigots, ostrogots, rois de Bourgogne, vicomtes de Marseille, comtes de Provence et de nos rois tres-chretiens recueillie de plusieurs auteurs, 1696 (rééd.).T. 1, p. 302-308 (944-912 RUF, libre accès en salle de lecture)
  • Papon, Jean-Pierre, Histoire générale de Provence, dédiée aux États de Provence, t. 4, 1786. Voir sur le site de la Bibliothèque nationale de France - Gallica.
  • Méry, Louis. Le siège de Marseille par le connétable de Bourbon, chronique du seizième siècle, 1841. (Epsi 3351).
  • Bourrilly, Victor-Louis. « Études sur l’histoire de Marseille. Les dames de Marseille et le siège de 1524 », Annales de la faculté des lettres d’Aix, t. IV, n° 3-4 p. 101-126. (PHI 467 8).
  • Bertas, Pierre, La gloire intangible des Marseillaises de 1524, 1922 (Delta 9515).
  • Bourrilly, Victor-Louis. Les dames de Marseille et le siège de Marseille de 1524, Annales de la faculté des lettres d’Aix, 1922. (IHP 184).
  • Bertas, Pierre. Le quatrième centenaire du siège de Marseille, 1524-1924, cahier d’articles parus dans Le Radical, 1924 (Beta 91).
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