Pèlerinage des Saintes-Maries-de-la-mer : rencontre de traditions

"Les Saintes-Maries-de-la-Mer. Grand pèlerinage des 24 et 25 mai", Affiche illustrée d'un dessin signé Henry Couve, 1973. Arch. dép. des Bouches-du-Rhône, 8 Fi 1851.

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Fascinant par ses cérémonies et une ferveur qui perdure, le pèlerinage de printemps des Saintes-Maries-de-la-mer ne l’est pas moins par la diversité des récits et des imaginaires qui l’ont entouré et « légitimé » au cours des siècles.

 

Aux origines d'un mythe

L’existence d’une église dite Notre-Dame de Ratis est attestée depuis le VIe siècle sur le territoire du village actuel. Quant au récit de l’accostage en Provence d’une barque transportant des compagnons du Christ fuyant la Judée, il est apparu sous forme écrite plus tardivement, au XIe siècle. Les versions varient sur les occupants de la barque comme sur le lieu du débarquement, mais on y trouve toujours sainte Marie-Madeleine, saint Lazare, sainte Marthe. C’est autour de l’abbaye bourguignonne de Vézelay, qui revendiquait d’avoir recueilli les reliques de sainte Marie-Madeleine, que s’élabore le premier récit écrit de cette légende.

On considère que c’est seulement au début du XIIIe siècle, sous la plume de Gervais de Tilbury, un juriste d’origine anglaise installé à Arles qui s‘inspire des traditions locales, que les deux Marie apparaissent clairement comme passagères de la barque. Elles sont d’abord identifiées comme les femmes qui ont visité le tombeau du Christ avec Marie-Madeleine et plus tard comme les demi-sœurs de la Vierge, Marie Salomé et Marie Jacobé. Près de 150 ans après Gervais de Tilbury, c’est en s’appuyant sur son ouvrage, que le comte de Provence René d’Anjou commandite des fouilles qui conduisent à la découverte des restes de deux corps identifiés à ces deux saintes dans l'église, en 1448.

 

Le pèlerinage

Après 1448, l’église est réaménagée. Son pèlerinage gagne une certaine aura, mais c’est la ferveur locale qui est la plus durable : la plupart des pèlerins viennent de la Provence rhodanienne, du Languedoc et du Comtat Venaissin pour faire leurs dévotions mais aussi la fête. Après la destruction d’une partie des reliques sous la Révolution française, le pèlerinage reprend dès 1801. En 1859, le poème en langue provençale de Frédéric Mistral, Mirèio, suscite l’intérêt d’une élite cultivée pour le pèlerinage.

C’est aussi à cette époque qu’on commence à signaler la présence au pèlerinage de ceux que l’on nomme « Bohémiens » ou « Gitans » venant d’abord de Languedoc, de Catalogne ou de Provence. Ces nouveaux venus s’attachent au culte de reliques situées dans la chapelle basse qui faisaient déjà l’objet d’un culte local et étaient attribuées à la servante des deux Marie, Sara. Accueillis avec une certaine suspicion, les « Bohémiens» se groupent d’abord dans cette chapelle pendant la veillée du pèlerinage de printemps et s’adonnent, dit-on, à des rituels mystérieux. Alors que leur nombre augmente, les gens du voyage deviennent progressivement des acteurs centraux du pèlerinage au XXe siècle, avec le soutien du marquis Folco de Baroncelli-Javon. Ce noble provençal devenu manadier et refondateur des traditions camarguaises telles que nous les connaissons aujourd’hui, élabore en effet un nouveau mythe autour des Saintes-Maries-de-la-mer. Les « Gitans » seraient ainsi les descendants du peuple de l’Atlantide, au même titre que les Indiens d’Amérique. Après la disparition de ce continent, ils se seraient réfugiés en Camargue. Sara, non plus servante mais princesse et prêtresse de leur peuple, aurait accueilli sur le rivage des Saintes-Maries-de-la-mer la barque légendaire.

Le caractère pittoresque du pèlerinage et l’amélioration des voies de communication font aussi apparaître au début du XXe siècle l’un des protagonistes du pèlerinage jusqu’à aujourd’hui : le touriste, attiré par les traditions provençales et camarguaises mais aussi et surtout gitanes, comme en témoignent cartes postales et photographies.

Le pèlerinage draine encore de nos jours plusieurs dizaines de milliers de personnes dans le petit village des Saintes-Maries-de-la-mer. Une occasion d‘admirer la réinvention continue des croyances et des rites populaires.

 

Bibliographie

BARONCELLI (DE), Folco. Bohémiens des Saintes-Maries-de-la-Mer. Paris : A. Lemettre, 1910.

BERGAGLIO, Sophie. L'histoire du pèlerinage des Saintes-Maries-de-la-Mer. Paris : Éd. des Lilas, 2016.

CHAPELLE, A. (Chanoine). Les Saintes-Maries-de-la-Mer. Marseille : Établissements Mouillot Fils Aîné, 1926.

 

 

Iconographie

(1931). Pentecôte, 24 mai 1931, gitans, bonne aventure, Les Saintes-Maries-de-la-Mer. [Photographie]. AD13 – 129 Fi 41.  

(1931). Le 25 mai 1931, les moutards gitans posent pour 1 sou. [Photographies]. AD13 – 129 Fi 42.

Collection de cartes postales. [Cartes postales]. AD13 — 6 Fi.

BRIHAT, Denis. (1958). Gitans aux Saintes-Maries-de-la-Mer, 1958. [Tirage photographique signé et légendé au crayon]. AD13 – 5 Fi 703. 

DELIUS, Charles. (1920-1930). Reportages photographiques aux Saintes-Maries-de-la-Mer et à Marseille. [Reportage photographique]. AD13 – 139 Fi.

PLOSSU, Bernard. (1991-2008). « L'univers des croyances » : reportage photographie. [Reportage photographique]. AD13 – 100 Fi 118 à 123.

RIBIÈRE, Jean. (1950-1960). Pèlerinage gitan aux Saintes-Maries-de-la-Mer. [Reportage photographique]. AD13 – 54 Fi 1 à 160.

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