Janvier 1943 - Rafles sur Marseille

Instruction générale sur la recherche d’indésirables à Marseille, 18 janvier 1943 (copie du 30 mai 1945). Arch. dép. des Bouches-du-Rhône, 56 W 101.

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Du 22 au 24 janvier 1943, des opérations de police de grande ampleur s’abattent sur le centre-ville de Marseille. Aux rafles des 22-23 janvier succède le 24 janvier, en une seule journée, l’évacuation de la population entière d’un secteur du quartier du Vieux-Port en vue de sa destruction. Nous vous proposons de découvrir sur ce sujet une sélection de documents issus des fonds de la préfecture des Bouches-du-Rhône et des tribunaux chargés de juger les collaborateurs à la Libération.

 

Allemands et Français

Après les deux attentats perpétrés par la Résistance contre les troupes allemandes à Marseille le 3 janvier 1943, les autorités allemandes firent part aux autorités françaises de leur décision de détruire le quartier du Vieux-Port de Marseille, considéré comme un repaire de criminels internationaux, dangereux pour la sécurité de leurs troupes. Les 13 et 14 janvier, des négociations ont lieu à Marseille entre le général Oberg, chef de la SS et de la police, et les représentants de l’administration vichyste, sous la conduite de René Bousquet, secrétaire général à la police. Les responsables français, mis en accusation après guerre, affirmeront que dans le souci de l’indépendance de l’administration française et de la protection de la population, ils négocièrent le report de l’opération de destruction, la diminution du périmètre à détruire, l’encadrement de l’évacuation par les policiers français ainsi que la conduite d’opérations de police avant l’évacuation. Ils affirmèrent aussi avoir demandé que les personnes raflées et évacuées soient regroupées dans un camp en zone Sud et non en zone occupée.

Bouclage et rafles

Les 22 et 23 janvier, des forces de police nombreuses sont déployées, des quartiers bouclés et des contrôles d’identité dans le centre-ville, autour de la Canebière et jusqu’à la gare Saint-Charles, ainsi que dans les vieux quartiers. La nuit, ce sont des visites domiciliaires systématiques, notamment dans les quartiers de l’Opéra et du Vieux-Port. Si le but avoué est d’« assainir » Marseille de ses malfaiteurs et de ses indésirables, on constate que parmi les personnes contrôlées, les juifs français ou étrangers furent arrêtés.

L’évacuation du quartier du Vieux-Port

Le 24 janvier, au matin, les haut-parleurs sillonnent les rues du périmètre à évacuer et ordonnent à toute la population de descendre sur l’actuel quai du Port avec quelques bagages. L’évacuation se termine le soir. En fonction de leur situation, certains habitants sont laissés libres, les malades sont recueillis dans des institutions tandis que l’essentiel de la population est dirigée en tramway vers la gare d’Arenc.

Détention, criblage, déportation

Les personnes raflées les 22 et 23 janvier sont d’abord conduites à la prison des Baumettes où leur situation est examinée. Cependant, après un nouvel attentat contre les soldats allemands le 22 janvier au soir, les relations entre les autorités allemandes et françaises se sont tendues. Et le 24 janvier au matin, les Allemands font partir 1 682 personnes vers le camp de Royallieu à Compiègne. De là, la plupart d’entre elles partiront pour la déportation. Le 24 janvier, la majorité des évacués du Vieux-Port, soit 12 0000 personnes, partent de la gare d’Arenc vers un camp militaire de Fréjus pour criblage (examen de situation). Les premiers seront relâchés quelques jours après et répartis dans différentes communes des Bouches-du-Rhône. De Fréjus partent aussi des trains vers Compiègne et la déportation. La destruction du secteur évacué commença le 1er février.

L’opinion

Les Marseillais sont surpris par ces opérations. Mécontents des difficultés de circulation induites par les contrôles d’identité, ils sont toutefois moins sensibles aux rafles des 22 et 23 janvier qu’à l’évacuation du Vieux-Port. Très vite, on s’interroge sur la responsabilité de la municipalité dans cette destruction des vieux quartiers, qui semble correspondre à des projets d’urbanisme plus anciens.

Quant aux responsables des rafles, Carl Oberg fut condamné à mort, peine commué en prison à perpétuité, l’intendant de police de Marseille, Maurice de Rodellec du Porzic, verra son affaire classée et ne sera donc pas jugé. René Bousquet fut convaincu d’indignité nationale, mais remis en liberté.

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