D'hier à aujourd'hui, l'élevage de la brebis mérinos dans la plaine de Crau

Bergerie nationale d’Arles. Avis annonçant la vente de 40 brebis mérinos acclimatées et de laine du troupeau, affiche imprimée sur papier chiffon avec timbre de l’aigle impérial, 1807, 7 M 101

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Le rôle de la bergerie nationale d’Arles (1805-1825)

La région d’Arles est traditionnellement une terre d’élevage du mouton : dans les coussouls* de la plaine de Crau, on a retrouvé de nombreux sites archéologiques constitués de ruines de bergeries datées de l’époque antique. Après la Révolution et sous l’influence du mouvement physiocratique qui mettait l’agriculture au centre de l’économie, de nombreux notables, souvent enrichis par la vente des biens nationaux, furent tentés par l’amélioration de leur troupeau. Pour appuyer les efforts des éleveurs privés, le Consulat prit l’initiative de créer plusieurs bergeries nationales réparties sur l’ensemble du territoire. Sous l’influence du préfet Thibaudeau, l’empereur ordonna la création de la bergerie nationale d’Arles en 1805.
Le mouton mérinos fut introduit dans la région d’Arles par cette bergerie nationale. La race amenée en Afrique du Nord par les Phéniciens avait été importée en Espagne au VIIe siècle.  En 1786, Louis XVI reçut de son cousin le roi d’Espagne deux béliers et environ 400 brebis qui furent accueillis à la bergerie royale de Rambouillet. À l’avantage de la qualité de la laine s’ajoutait l’abondance de la production :  en moyenne quatre kilos contre seulement deux pour les moutons indigènes.
Pour encourager les croisements des races locales avec le mérinos et assurer son financement, la bergerie nationale d’Arles mettait en vente chaque année un certain nombre de bêtes et de la laine dans la cour de l’hospice civil d’Arles en présence du maire de la ville et du régisseur de la bergerie, tel que l’atteste cette affiche datant de 1807 :  sont mis en vente « 40 béliers et brebis Mérinos et 160 myriagrammes de Laine superfine ».
Cependant, malgré l’implication du préfet, la bergerie nationale d’Arles n’attira pas la confiance des Provençaux. Les acheteurs ne se bousculant pas, le domaine resta déficitaire et la bergerie fut finalement fermée en 1825.

La création du mérinos d’Arles

Certains éleveurs privés réussirent cependant là où la bergerie nationale avait échoué et après 1825, le mérinos continua à progresser en Provence ; une race « métisse » née du croisement de ce dernier et de la race locale, appelée « mérinos d’Arles », se fixa définitivement dans les années 1850-1860. Elle se caractérise par des bêtes rustiques, avec un corps de largeur moyenne et de grandes cornes, une toison de haute qualité couvrant tout le corps. Pour maintenir cette nouvelle race dans ces caractéristiques, le syndicat des éleveurs ovins du mérinos d’Arles fut créé en 1921, ainsi qu’un haras de béliers, outil d’amélioration soutenu par le Conseil général.

Au XXe siècle : le domaine du Merle

Le domaine du Merle, situé sur la commune de Salon-de-Provence, fut légué en 1920 au Département des Bouches-du-Rhône par la veuve de Félix Abram, banquier marseillais féru d’agriculture et d’élevage. Composé de prairies irriguées et de coussouls*, il devient un lieu central d’expérimentation et de formation. Après la Seconde Guerre mondiale s’y organisent des formations pour les éleveurs et bergers et, en 1955, s’y installe un haras de béliers mérinos.
Aujourd’hui encore, le domaine et centre de formation du Merle poursuit ses missions de recherche, de formation et d’expérimentations zootechniques. Il dispose du plus ancien centre de formation de bergers transhumants, accueille depuis 2016 le Salon des Agricultures de Provence et abrite la Maison de la transhumance qui se propose de développer dans les années à venir une gamme de vêtements techniques dans le domaine de la randonnée et de l’itinérance, en laine mérinos.

Une relation de confiance : reportage photo et audio d’Hélène David et Aurélie Darbouret

C’est au domaine du Merle qu’Hélène David photographe et Aurélie Darbouret, auteur, se sont installées plusieurs jours au cours de l’année 2020. Par la prise de photographies et le recueil de témoignages, elles ont documenté le quotidien d’un troupeau de brebis mérinos et la relation de confiance qui unit les bergers à leurs bêtes.
Dès le Néolithique et la sédentarisation humaine, une relation très forte se noue entre l’homme et l’animal à travers l’élevage. Dans la trilogie méditerranéenne traditionnelle (cheval, ovin/caprin, taureau), très représentée dans les fonds d’archives, le mouton occupe une place centrale. Il est l’animal symbolique par excellence des trois religions du Livre, et est consommé lors des fêtes de Pessah, Pâques et de l’Aïd-el-Kébir. Dans le reportage photographique d’Hélène David, chaque image est reliée aux autres au fil des saisons et des rythmes biologiques, sur un cycle d’un an. Trois couleurs majeures, le noir, le blanc et le rouge, créent une tension narrative en rappelant les couleurs des contes médiévaux.

Note

* Le coussoul est un écosystème unique de la plaine de la Crau ; c’est un pâturage semi-aride composé essentiellement d’espèces herbacées et laissant apparaître de nombreux espaces de sol nu. On peut dénombrer plus de 70 espèces de plantes à fleurs sur moins d’un mètre carré ; cette végétation a été pâturée depuis plusieurs milliers d’années, ce qui a créé un régime de perturbations pour les plantes qui ont dû s’adapter, multipliant ainsi la diversité des espèces végétales.

Bibliographie

Eric Teyssier, « La bergerie impériale d’Arles et l’introduction des Mérinos en Provence », Provence historique, n° 204, 2001

A écouter : 

Mérinos et croisées mérinos - Pierre-Marie Bouquet et Jean-Dominique Guyonneau, propos recueillis par Aurélie Darbouret (En bas de page)

L'exposition urbaine

Vous pourrez retrouver les documents évoqués ci-dessus dans l’exposition urbaine Le Cantique des Moineaux, présentée sur les murs du jardin de la lecture, 108 rue Peyssonnel jusqu’au 9 octobre 2021

 

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