Rapport médico-légal sur l’état mental de Marie LONG, femme Audiffren, extrait du dossier de procédure

Cour d’assises des Bouches-du-Rhône. 12 octobre 1840

Arch. dép. Bouches-du-Rhône, 2 U 2 3891

Marie Long, mariée et mère de 4 enfants est accusée de castration sur la personne de son mari Lange Fortuné Audiffren. Suite à un examen psychiatrique, un type d’examen qui ne deviendra obligatoire qu’en 1905, réalisé et rédigé par le médecin en chef de l’hôpital des aliénés à Marseille, elle est diagnostiquée comme monomaniaque de la jalousie et décrite comme étant dépourvue de raison lorsqu’elle a mutilé son mari. Marie Long se déclare par ses propres mots emmasquée, c’est-à-dire ensorcelée (de masco signifiant sorcière en provençal). Et elle raconte que des sorcières sont venues dans son sommeil lui souffler son crime. Il peut s’agir peut-être pour elle d’amoindrir sa responsabilité criminelle. Elle exprime peut-être simplement une conception tirée de la pensée traditionnelle qui a encore cours parmi le peuple, même si elle n’est plus reconnue par les autorités.

Ces interprétations qui excluent la préméditation ont sans doute été considérées comme des circonstances atténuantes par les jurés de la cour d’assises d’Aix-en-Provence qui par arrêt du 26 novembre 1840, la condamnent à huit ans de réclusion.

Transcription du début rapport :

Je soussigné, docteur en médecine, médecin en chef de l’hôpital des aliénés à Marseille, certifie que le 4 septembre 1840, j’ai été requis par M. La Forêt, juge d’instruction au tribunal civil de 1^ère instance, à l’effet de constater l’état mental de la nommée Marie Long, accusée de mutilation sur la personne de Lange Fortuné Audiffren son mari. Après le serment prêté entre les mains de M. le juge d’instruction, j’ai été introduit dans la prison du palais, où j’ai trouvé Marie Long assise sur un lit, habillée ; sa figure était pâle mais calme ; ma présence ni celle de M. le juge d’instruction qui m’accompagnait n’ont pas paru l’émouvoir ; Marie Long s’est levée et a répondu de manière puissante aux questions que je lui ai adressées :

D : Etes-vous fille ou mariée ? – Je suis mariée.

D : Avez-vous des enfants ? – J’en ai quatre.

D : Faisiez-vous bon ménage avec votre mari ? – Par ci par là.

D : qu’entendez-vous par ces mots « par ci par là » ? – Je veux dire que moi je me comportais bien, quant à mon mari, j’avais des mauvaises idées sur lui.

D : Votre mari est-il un honnête homme ? – Oui, bien sûr.

D : Vous maltraitait-il quelquefois ? – Non jamais.

D : vous faisait-il faute de quelque chose ? – Non Monsieur, c’est un brave homme.

D : Et pourquoi alors aviez-vous des mauvaises idées sur lui ? – Je n’en sais rien, j’étais emmasquée.

D : Qu’entendez-vous par emmasquée ? – Être emmasquée, c’est avoir des mauvaises idées 2 fois par jour, le matin et le soir.

D : à présent dites-moi, quelles mauvaises idées aviez-vous sur votre mari ? – J’avais idée qu’il avait des maitresses.