L'anisette

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Si les apéritifs anisés ne sont pas l’apanage de la Provence, il existe pourtant à Marseille une marque des plus renommées qui a assis la réputation de la ville en la matière. L’histoire du fondateur Paul Ricard est souvent décrite comme une heureuse marche vers la gloire, mais ses débuts ne furent pas moins semés d’embûches. L’interdiction de l’absinthe en 1915 entraîne avec elle celle de toutes les boissons soupçonnées de contenir les mêmes cétones toxiques. Les alcools anisés sont ensuite à nouveau autorisés en 1922 mais doivent répondre à des critères très stricts, notamment quant au titrage et à la turbidité. Ces règles sont assouplies en 1932, permettant alors à Paul Ricard de commencer à commercialiser son pastis qui présente la spécificité d’adjoindre de la réglisse à la recette. Toutefois, le titre idéal pour donner à la boisson toute sa saveur, qui est celle qu’on lui connaît de nos jours, est de quarante-cinq degrés alors que la législation de 1932 limite le titrage des anisettes à quarante degrés. Paul Ricard eut alors un rôle majeur dans le groupe de pression qui permit d’obtenir un relèvement de la norme à quarante-cinq degrés en 1938 par le gouvernement de Front populaire, tandis que les partis conservateurs voyaient dans cette libéralisation du marché des alcools une attitude condamnable. L’évolution législative de 1938 permit ainsi l’envol de la compagnie qui était toutefois déjà prospère grâce aux grandes qualité de son fondateur dans la communication publicitaire et par le choix d’un produit de diffusion de masse. Le pastis de Ricard est en effet bien plus économique par ses importantes possibilités de dilution que les autres anisettes alors en vente et face auxquelles elle conquit des parts de marché. En effet, les autres boissons anisées, comme le Pernod, le grand rival, se buvaient tassées. Le pastis allongé “à la marseillaise” était donc une innovation. Sa forte concentration permet de préparer un grand nombre de verres à partir de la même bouteille.

La volonté du régime de Vichy de "redresser la France" se traduit par un durcissement de la législation sur la consommation d’alcool, d’autant que le décret de 1938 avait été signé par un gouvernement de Front populaire. Les boissons non agricoles titrant plus de seize degrés sont interdites par la loi du 23 août 1940 eet la production de pastis cesse. A la Libération, la politique antialcoolique du régime de Vichy est maintenue par le Gouvernement provisoire de la République française. De son côté, l’entreprise Ricard relance la production dès cette période, espérant une fin prochaine de la prohibition. Celle-ci intervient par décret du 24 mai 1951 en échange de l’interdiction de la publicité. Les ventes des distilleries Ricard passent ainsi de dix millions de litres en 1952 à soixante millions de litres en 1971. Cette diffusion de la consommation de boissons anisées dans la population française traduit un changement de pratiques qui s’accompagne d’un intérêt décroissant pour le vin de table ordinaire.

Les Archives départementales conservent quelques traces de cette activité sous la forme de documents figurés dont la majorité concerne la marque emblématique de pastis marseillais, l’alcoolier Ricard.



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